Intervention de Jean-Louis Barth à la séance du Conseil général du 26 Octobre
La
saturation et la dégradation des transports en Ile-de-France sont d’abord le résultat de trente ans d’abandon par l’État, qui gérait seul ces transports avant 2006. Il porte donc une énorme
responsabilité dans l’embolie du réseau, pour avoir donné la priorité aux grandes lignes de TGV en négligeant les réseaux de proximité et de banlieue. Je n’oppose pas les deux, car le TGV est
aussi un outil de structuration du territoire et de progrès.
C’est un constat que nous partageons tous, voire que nous vivons au quotidien, que celui de l’asphyxie des réseaux. Mais nous
ne pouvons sous-estimer les efforts considérables entrepris par la région Ile-de-France : elle a fait plus en six ans que l’État en trente ans ! Les audits s’accordent pour reconnaître
que le STIF a eu « une gestion plus efficace » et a apporté « de meilleures réponses aux attentes des usagers ». Rattraper les retards accumulés nécessite de rénover les
réseaux et de créer de nouvelles infrastructures. Cela représente des dépenses importantes et requiert de longs délais, et plus encore dans le contexte économique actuel.
Dans ce cadre, les projets de la Régiondans les
Yvelines sont importants : la mise en service en 2016 de la tangentielle ouest, le prolongement du RER E à l’ouest d’ici 2020, avec trois millions d’euros de crédits, la modernisation du RER
C à laquelle 500 millions seront consacrés d’ici 2017, le tramway T6 Viroflay-Chaville-Montrouge, qui bénéficiera de 400 millions d’ici 2015, le renouvellement de 60 rames du RER A en 2014 et de
130 rames d’ici 2017, la ligne nouvelle Paris-Normandie à l’horizon 2020-2025 et la mise en service en 2018 de la tangentielle Nord de Sartrouville au Bourget via Epinay.
Cette remise à niveau ne peut se faire en un jour et il faudra certes du temps pour que les usagers en perçoivent
les effets positifs. Mais il faut aussi rappeler le contexte défavorable des négociations qui avaient
abouti à transférer la responsabilité des transports d’Ile-de-France. L’État, pour des raisons qui n’étaient pas toutes économiques, avait beaucoup « mégoté » sur le montant des
transferts, en comparaison de ce qui avait été consenti lors du transfert aux autres régions, alors même que les transports d’Île-de-France étaient très dégradés en certains endroits et
insuffisants dans tous les cas.
On peut donc comprendre le mécontentement croissant des usagers, qui sont de plus en plus nombreux à souffrir de la
dégradation du service et de la saturation du réseau, mais on ne peut faire fi des travaux entrepris pour les infrastructures et pour la rénovation afin d’adapter les transports aux
nouvelles formes de mobilité.
Il faut y insister, le PDU 2012 est un
document incitatif, non un catalogue à la Prévert. Il vise à impulser et accompagner des changements de comportement qui sont nécessaires pour équilibrer la place du transport collectif et celle
du transport individuel afin de répondre aux objectifs environnementaux et donner accès au plus grand nombre aux
transports en commun. Mais il le fait en poursuivant l’idée qu’il faut encore faciliter l’usage de la voiture pour ceux qui n’ont pas d’autre choix que de l’utiliser, en raison de leur profession
ou de leur lieu de résidence.
Cela dit et en toute objectivité, il ne nous est pas possible de laisser sans réponse un certain nombre des remarques qui
figurent dans le document écrit. D’abord, c’est une mauvaise querelle que de reprocher, comme vous le faites à plusieurs reprises, aux auteurs du PDU de ne pas avoir pris en compte les premiers
résultats de l’enquête générale sur les transports de 2010, publiés partiellement en juillet 2012, alors que c’est du 16 février 2012 que date la délibération du Conseil régional pour arrêter le
PDUIF.
Vous insistez en boucle sur l’insuffisance de l’offre de transports et même sa grave carence en grande couronne. Nous le
constatons tous. Mais vous reconnaissez par ailleurs « les retards accumulés ces 20 dernières années ! »
Rappelons quand même que le plan de mobilisation des transports de 2008 affecte 20 milliards d’euros d’ici 2020 à la remise
à niveau du réseau vétuste et à la création de nouvelles lignes. Rappelons aussi que sur le projet du Grand Paris express, la Région a arraché un compromis à l’État. Initialement, ce projet était
en concurrence avec les études faites auparavant par la Région et le Président Huchon a eu le grand mérite de négocier un compromis pour sortir de l’imbroglio créé par l’irruption du Grand Paris,
sans guère de concertation. Il a vocation à répondre aux enjeux de mobilité de banlieue à banlieue non seulement en améliorant l’existant mais en créant un réseau complémentaire.
Dans votre rapport, vous indiquez avoir demandé « le développement d’un réseau Trans’Yvelines », liaison de pôle à
pôle sur lequel nous avons voté en 2007. Le STIF n’aurait « répondu qu’en partie à la demande en renforçant à la marge le réseau structurant Mobilien. » Est-ce bien juste ?
Renseignements pris auprès du STIF, on n’a pas l’impression que le Conseil général ait réellement agi pour créer ce
réseau départemental après l’adoption de la délibération qui lui donne un nom. Manifester une vraie volonté aurait consisté à travailler avec le STIF sur ce dossier pour être en position de
négocier avec lui ; d’autres départements – un département voisin notamment – l’ont fait et bénéficient
aujourd’hui de véritables réseaux de transports en commun. Sans vouloir être désagréable, convenez que cela donne l’impression de se défausser un peu facilement sur la Région.
D’autre part, vous insistez sur la nécessité d’investir sur le réseau magistral et structurant. Le sujet fait débat partout,
y compris dans notre groupe. Reste qu’il est en effet nécessaire de disposer d’un réseau routier à la mesure des besoins, qu’il s’agisse du développement économique ou de la desserte des zones
non desservies par les transports en commun, grâce au transport à la demande même si celui-ci n’est pas la solution dans tous les cas. Ce réseau est en tout cas nécessaire pour, comme l’a dit M.
Tetart, faire transiter les transports en commun, dont une bonne partie resteront routiers, c’est évident. Pour autant, c’est à juste titre que le PDU encourage les déplacements alternatifs et le
multimodal – vélo, marche, transport fluvial, ferroviaire – ainsi que les pratiques de partage des véhicules et covoiturage. Mais dans un tel document, il n’est pas possible de dire où l’on
développera les choses. C’est aussi l’initiative locale qui doit se manifester, en s’inspirant du document général.
Dans le rapport, on reproche également au PDU de ne pas inscrire les projets du schéma de déplacements des Yvelines, de ne
pas en proposer de déclinaisons territoriales et de souffrir d’une absence d’évaluation prospective des déplacements. Je rappelle donc que le PDU est un document programmatique pour toute
l’Ile-de-France et n’a pas vocation à s’aligner sur la politique départementale, ni à être exhaustif en ce qui concerne les opérations à mettre en œuvre, territoire par territoire, collectivité
par collectivité, notamment en raison de sa programmation à l’horizon 2020. Nous ne pouvons qu’encourager les collectivités départementales, et d’abord la nôtre, à solliciter
l’élaboration d’un diagnostic précis des besoins, ce qui, peut-être, n’a pas encore été demandé.
Le PDU prend en compte une croissance des déplacements de 7 % d’ici 2020, en fonction des prévisions d’augmentation de la
population et des emplois – prévisions qui, néanmoins, connaissent des fluctuations étonnantes. Ce document n’est nullement définitif : adopté en février 2012, il doit faire l’objet d’une
enquête publique au premier semestre 2013. Les responsables locaux, dont nous sommes, auront donc le temps de faire remonter leurs suggestions et pourront se prononcer en toute connaissance de
cause.
Le rapport demande aussi que le projet de ligne verte du Grand Paris soit inscrit dans le PDU, avec un calendrier d’études et
de réalisation, pour une mise en service entre 2018 et 2025. Le PDU prend bien en compte le décret du 24 août 2011 relatif au schéma de transport du Grand Paris qui a été voulu et piloté par le précédent
gouvernement. Seulement, la précédente majorité n’a jamais trouvé les financements de ces projets, et en particulier
de la ligne verte. La Région est fortement mobilisée et François Hollande et Cécile Duflot ont rappelé dans la presse leur attachement à la réalisation de ce réseau. Les financements étant colossaux, un phasage est incontournable. Il nous appartient à tous d’exercer les pressions nécessaires pour que
ce projet soit réalisé dans les temps voulus.
Dans ce rapport, vous reprochez à la Régionde se
désengager financièrement, les crédits étant « en retrait par rapport à ceux du PDU 2000 » et « en baisse de 25 % au détriment des collectivités locales. » Selon vous, les
modalités des aides régionales ne sont pas claires et la Région se reposerait de plus en plus sur
les départements. Effectivement, elle ne pourra pas tout faire toute seule.Faut-il le rappeler que les réformes
mises en œuvre par le précédent gouvernement, suite à la suppression de la taxe professionnelle, ont très largement réduit les marges de manœuvre financière des régions autant que des
départements. Le cofinancement sera donc nécessaire et cela nous forcera à hiérarchiser nos priorités – il est simplement raisonnable de le constater.
Vous vous félicitez par ailleurs de ce que le Conseil général mène « une politique volontariste en dehors de toute
obligation légale de soutenir les personnes âgées, handicapées et les anciens combattants par des aides financières et un service de transport dédié, le PAM 78 ». Pourtant, à y bien
regarder, le Conseil général se désengage progressivement : les personnes âgées, handicapées et les anciens
combattants devraient désormais payer un forfait de 30 euros pour la carte Améthyste, gratuite jusque là, et le Conseil général va cesser de financer le PAM 78 et supprimer les aides aux communes
pour les lignes régulières.
Vous êtes également sceptiques sur la tarification unique programmée par la Région et vous demandez un délai. Pourtant, la Régionfait ainsi le
choix de ne pas pénaliser les personnes et surtout les familles résidant en grande couronne et désavantagées par le système de zonage des prix, qui rendent ceux-ci prohibitifs. Le Conseil général
a un représentant au conseil d’administration du STIF : il peut y faire valoir son avis et être force de proposition.
Enfin, dans ce rapport, vous souhaitez que l’utilisation du réseau ferré pour le transport de marchandises ne pénalise pas
l’offre pour les voyageurs, qui est insuffisante. Rappelons donc que c’est en application de la logique libérale au
détriment du service public que la SNCF a cédé aux opérateurs ferroviaires privés plus de 60 % de la gestion du fret, lequel occupe de plus en plus de sillons au détriment des circuits publics de
fret et de voyageurs.
Cela étant, nous pouvons partager un bon nombre des réserves que vous émettez ;
Ainsi, vous indiquez que le PDU impose « un partage de voirie incompatible avec la libre administration des
collectivités territoriales. » Globalement, le PDU est incitatif. Mais il comporte quelques mesures contraignantes pour les collectivités, comme la création d’une proportion minimale de
stationnements et places de vélos dans les nouvelles constructions et opérations de bureaux. Dans toutes les communes, les PLU sont soumis à la pression de la densification, qui fait peu de cas
du problème du stationnement. On construit sans se demander où l’on mettra les voitures. Inscrire dans les programmes de logement un volet obligatoire pour le stationnement est une contrainte à
laquelle, tous ici, nous adhérerions.
Vous dites que le PDU ne prendrait pas suffisamment en compte les besoins de la grande couronne, en particulier des zones
rurales et périurbaines, au profit de la petite couronne. Sur ce point, nous partageons votre préoccupation. L’offre en bus, en particulier dans le sud et l’ouest des Yvelines, est à
améliorer fortement, quand elle n’est pas à créer. Cependant, juger comme vous le faites que le bilan du PDU 2000 est « décevant en direction des transports collectifs en grande couronne et
de moyens financiers conséquents » est excessif. La moitié des objectifs du PDU 2000 ont été réalisés.
Finalement, le Département aurait, sur le PDU 2012, un avis réservé, quand il avait exprimé un avis défavorable sur le PDU
2000. C’est là une démarche positive. On pourrait considérer que votre majorité reconnaît qu’il y a des avancées dans le PDU 2012, qui propose un rééquilibrage entre transport collectif et
individuel. Dans les considérants de la délibération, on précise d’ailleurs que « le Département partage l’enjeu de rééquilibrage des besoins de mobilité et de protection de
l’environnement ». Mais la longue liste de réserves, voire de critiques, nous laisse un peu songeurs sur ce que signifie cet avis « réservé. » Ces réserves penchent quand même
beaucoup vers le négatif, même si l’exposé oral donnait à entendre un autre son – cela permet, je pense, de couvrir l’éventail des opinions dans la majorité.
Vous qualifiez les enjeux du PDU de « consensuels » tandis que les actions qu’il comporte seraient
« insuffisantes. » Le plan régional est un outil qui définit des principes d’aménagement de tout le territoire francilien et une vision de la société sur les grands projets
d’aménagement compatibles avec le SDRIF et le Grand Paris.
Vous reprochez au PDU de ne proposer de renforcer les transports que de 30 % d’ici 2020 alors que le trafic aurait
progressé de 50 %. En fait, il s’agit d’augmenter de 20 % l’usage des transports collectifs et de 10 % les modes actifs, mais de diminuer de 2 % le trafic routier, pour répondre aux objectifs
environnementaux et réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre. Aménager la RN10 dans la traversée de Trappes et Élancourt, par exemple, serait une bonne contribution sur ce dernier
point.
Le groupe des élus de gauche soutient votre demande d’établir un recensement des besoins : gares routières, parcs
relais, espaces vélos, renforts de lignes avec déclinaisons territoriales… Les rencontres entre les responsables départementaux et le vice-président de la Région aux transports et la présidente
de la commission « offre de transports », ainsi que la tournée des élus locaux, programmées pour l’automne 2012 vont justement dans ce sens et seront l’occasion de consulter tous les
acteurs locaux des territoires. Ces rencontres seront croisées avec les analyses techniques du STIF afin d’aboutir à une connaissance fine des besoins et de renforcer les lignes qui seront
reconnues prioritaires et financées grâce à une rallonge budgétaire de 10 millions d’euros, votée en juillet par la Région.
Pour conclure, nous constatons avec satisfaction que vous partagez les défis et les actions proposées. À ce stade, en ce
qui nous concerne, nous ne pouvons qu’émettre un vote négatif sur la délibération que vous proposez, puisque c’est sur le texte écrit et non sur ce qui vient d’être dit, que nous devons
voter. Cela signifie que nous approuvons le PDU présenté par la Région, tout en conservant la liberté de développer des observations sur des réserves qui sont aussi les nôtres sur un
certain nombre de points lors de l’enquête publique, afin de faire évoluer le projet dans un sens positif. Nous ne voulons pas, même si nous avons des réserves, que le bébé soit jeté avec l’eau
du bain.
Le Conseiller général, Jean-Louis BARTH
Conseil général du 26 octobre 2012 : Avis sur le Plan de Déplacement urbain 2012 présenté par la Région Île de France.